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AVIS - Arguments pour un jeu de tennis ambidextre



Introduction

1. Exemples en tennis

2. Exemples dans d'autres sports

3. Mode de progression de la technique sportive

4. Arguments biomécaniques et d'apprentissage

5. Exécution, avantages vs désavantages

6. Coup supplémentaire

7. Revers plus facile?

Conclusion


Introduction


La technique du tennis évolue (lentement mais sûrement). De nouveaux coups et tactiques apparaissent, deviennent plus ou moins à la mode, puis régressent parfois. Ainsi le revers à deux mains, le service-volée, ou autres.


Je pense qu'il est temps que les tennismen jouent des deux mains et changent donc de main pour frapper des coups droits des deux côtés, plutôt qu'un coup droit et un revers.


Je ne suis pas spécialiste de tennis, juste un joueur de club, mais je suis entraîneur d'escrime, à un très bon niveau (J'ai participé à 5 Jeux olympiques, et une de mes élèves a été classée numéro un au monde). Une des raisons pour lesquelles elle a été si bien classée est que je lui ai enseigné une technique que tous jugeaient extrêmement difficile ou quasi impossible à utiliser par les femmes. Malgré cela, après son succès, beaucoup de femmes ont adopté cette technique.


1. Exemples en tennis


Deux tennismen classés numéro 1 au monde jouent ou ont joué de leur «mauvaise main», à savoir Raphael Nadal, un droitier qui joue gaucher, et Carlos Moya, un gaucher qui jouait droitier.


Citons aussi dans les joueurs actuels dans les top 100 Borna Coric et Robin Haase, deux gauches, jouent droitier.


Plusieurs cas de tennismen jouaient des deux mains, p.ex. Panova (dans son cas c'était contrainte et forcée à cause de sa petite taille), mais aussi Santoro qui jouait à deux mains des deux côtés. Il doit sans doute y avoir d'autres exemples.


Plusieurs joueurs changent de main quand ils sont débordés, par exemple Sharapova ou Kyrgios.


Pour revenir au cas Nadal, c'est apparemment une décision de son entraîneur et oncle Tony Nadal de lui faire jouer en gaucher alors qu'il était jeune. Apparemment, il n'a pas eu trop de problèmes d'adaptation!!


2. Exemples dans d'autres sports


Dans plusieurs sports majeurs, les bons joueurs sont (doivent être) ambidextres.


Au football beaucoup des meilleurs joueurs savent contrôler et tirer des deux pieds (c.f. but de Zidane en finale de la Coupe du monde).


Au basketball, de nombreux joueurs (presque tous dans la NBA) peuvent contrôler, passer et tirer des deux mains.


Au baseball, les frappeurs ambidextres sont très recherchés (et mieux payés que les autres).


Dans mon sport, l'escrime, certains tireurs du plus haut niveau mondial, comme Bernard Talvard faisaient de l'escrime de leur «mauvaise» main. Cet athlète gaucher tirait droitier parce qu'étant jeune il était trop timide pour dire à son maître d'armes qu'il lui avait mis le fleuret dans la mauvaise main!



3. Mode de progression de la technique sportive


Dans la plupart des sports, la technique a évolué par bonds, souvent quand un nouveau champion avait une nouvelle technique. Il était alors imité par la majorité des athlètes.


L'argument que si quelque chose ne se fait pas au haut niveau prouve que c'est impossible ne vaut rien. En fait, puisqu'aucun entraîneur n'enseigne cette technique, aucun athlète ne peut l'utiliser, si bien que personne ne l'utilise. Ce n'est pas une preuve que cette technique est mauvaise ou impossible à exécuter, c'est un cercle vicieux.


Souvent, cette nouvelle technique était auparavant considérée par la plupart des observateurs comme impossible à exécuter.


Par exemple, avant que Fosbury devienne champion olympique de saut en hauteur en sautant sur le dos, les spécialistes s'accordaient à dire que sa technique était très difficile à maîtriser, sinon impossible. Moins de deux ans après son titre, la majorité des sauteurs en hauteur avaient déjà adopté cette technique. Le rouleau ventral est demeuré en vigueur chez certains pendant quelques années, pour disparaître complètement par la suite.


En tennis, dans les premières années de son développement, les joueurs servaient «à la cuiller». Un jour un hurluberlu a servi au-dessus de la tête. Là encore, la plupart des spécialistes pensaient que c'était impossible, mais peu après tout le monde servait comme ça.


En escrime, la plupart des spécialistes s'accordaient à dire que la prise de l'épée par le pommeau était impossible pour les femmes à cause de la force nécessaire pour son exécution. Cependant, j'ai décidé de l'enseigner à mon élève Sherraine Schalm qui est devenue première mondiale. La Française Laura Flessel, plusieurs fois championne olympique et du monde a aussi adopté cette technique, et bien évidemment de nombreuses tireuses les ont imitées depuis.


Le point commun de tous ces cas est que la tradition rétrograde freine l'évolution technique, le plus souvent sans raison logique. Il faut alors attendre un athlète exceptionnel qui utilise une nouvelle technique et réussisse au plus haut niveau pour que les autres athlètes l'imitent. Ce sont bien évidemment des cas très rares, car il faut soit qu'un entraîneur visionnaire impose cette technique à un de ses athlètes talentueux, de préférence dès son jeune âge, soit que, pour une raison quelconque, un athlète choisisse ou soit obligé d'avoir recours à une technique spéciale ou différente, souvent à cause de caractéristiques physiques spécifiques.


L'innovation est aussi un facteur qui peut conduire à l'apparition de nouvelles techniques, mais ce n'est pas toujours le cas. Je citerais l'exemple de lanceurs de javelot basques qui avaient développé une technique de lancement en rotation qui leur permettait de battre tous les records. Malheureusement pour eux, ils ont dévoilé trop tôt leur technique, avant les Jeux olympiques, et la fédération internationale l'a interdite.



4. Arguments biomécaniques et d'apprentissage


Les muscles qui interviennent dans la frappe du coup droit sont beaucoup plus forts que ceux qui interviennent dans la frappe du revers. Quand on lance un objet, on est plus fort du coup droit de la main faible que du revers de la main forte.


Un geste qui peut paraître compliqué ou difficile parce qu'on est pas habitué à l'exécuter peut devenir aisé si on le pratique régulièrement, surtout si on commence jeune (p. ex. le coup droit gaucher de Nadal).


Quelqu'un qui n'a pas de main peut écrire ou peindre avec ses pieds. Un ami à moi, Alvin Law, privé de ses deux bras à cause de la thalidomide, a appris à vivre quasi normalement en faisant tout avec ses pieds, incluant manger, conduire sa voiture, jouer de la batterie et du piano, bref tout ce que nous pourrions considérer comme impossible à faire sans bras. (C'est intéressant d'aller voir son site Web.)


Il y a plusieurs générations, les gauchers devaient tous apprendre à écrire de la main droite. Cela devenait rapidement pour eux la manière normale d'écrire.


Les joueurs de tennis qui jouent de leur «mauvaise» main ont néanmoins un coup droit beaucoup plus fort que le revers de leur main forte (qui est parfois un revers à deux mains pour le rendre plus fort, malgré la moindre portée). Par exemple, le coup le plus fort de Nadal est de loin son coup droit. Toutefois, on peut facilement imaginer que s'il avait développé un coup droit de sa main dominante, ce coup aurait été encore meilleur que son coup droit de la main faible.


4. Arguments biomécaniques et d'apprentissage


Les muscles qui interviennent dans la frappe du coup droit sont beaucoup plus forts que ceux qui interviennent dans la frappe du revers. Quand on lance un objet, on est plus fort du coup droit de la main faible que du revers de la main forte.


Un geste qui peut paraître compliqué ou difficile parce qu'on est pas habitué à l'exécuter peut devenir aisé si on le pratique régulièrement, surtout si on commence jeune (p. ex. le coup droit gaucher de Nadal).


Quelqu'un qui n'a pas de main peut écrire ou peindre avec ses pieds. Un ami à moi, Alvin Law, privé de ses deux bras à cause de la thalidomide, a appris à vivre quasi normalement en faisant tout avec ses pieds, incluant manger, conduire sa voiture, jouer de la batterie et du piano, bref tout ce que nous pourrions considérer comme impossible à faire sans bras.

(C'est intéressant d'aller voir son site web www.alvinlaw.com.)


Il y a plusieurs générations, les gauchers devaient tous apprendre à écrire de la main droite. Cela devenait rapidement pour eux la manière normale d'écrire.


Les joueurs de tennis qui jouent de leur «mauvaise» main ont néanmoins un coup droit beaucoup plus fort que le revers de leur main forte (qui est parfois un revers à deux mains pour le rendre plus fort, malgré la moindre portée). Par exemple, le coup le plus fort de Nadal est de loin son coup droit. Toutefois, on peut facilement imaginer que s'il avait développé un coup droit de sa main dominante, ce coup aurait été encore meilleur que son coup droit de la main faible.


D'ailleurs parlant du revers à deux mains, c'est en fait un revers de la main faible déguisé, avec peut-être un peu plus de force, mais beaucoup moins de possibilités de coups, et une portée plus faible.


J'ai demandé à plusieurs enfants débutants d'essayer plusieurs techniques : changer de main, revers à une main, revers à deux mains. Ils ont presque tous trouvé le changement de main plus facile. Le revers est un en effet coup difficile à apprendre, peu naturel chez la plupart des athlètes.


5. Exécution, avantages vs désavantages du coup


Exécution :


Prise de raquette :

Les deux mains sont placées en face l'une de l'autre et le joueur se contente de «détacher» une des deux mains pour ne laisser que l'autre contrôler la raquette pour la frappe. Ainsi, le passage de la main droite à la main gauche et vice-versa est plus rapide que le «vieux» changement de prise de coup droit à prise de revers.


Il est plus beaucoup rapide de changer de main que de faire un déplacement quelconque.


Pour les amorties, le changement de prise peut facilement se faire en replaçant la main libre sur le manche pour effectuer la rotation de la raquette, car le joueur dispose de beaucoup de temps. (Une solution alternative consiste à faire la rotation de la raquette seulement avec la main qui tient la raquette, ce qui est facile avec un peu de pratique.)


Exécution du coup droit :

Le coup droit de la main opposée s'exécute exactement comme un coup droit normal. Par conséquent, le joueur exécute des coups droits des deux côtés, en position ouverte ou semi-ouverte.


Déplacements et positionnement :

Le changement de main permet une grande économie de déplacements, facteur important pour la fraîcheur physique dans les matches longs. De plus, le replacement est ainsi très rapide pour le coup suivant car il se fait en position ouverte des deux côtés. Plus de folie de récupération en se retournant!


Le contournement de la balle pour frapper un coup droit plutôt qu'un revers n'a plus de raison d'être. Cette tactique de contournement est employée très fréquemment par les joueurs parce qu'ils choisissent de prendre le risque d'être dans une position plus faible pour frapper un coup droit qu'ils considèrent meilleur que leur revers (ce qui paraît très illogique à un non spécialiste du tennis).


Autres coups :

Le smash du revers (souvent considéré coup le plus difficile en tennis) devient un smash facile de l'autre main.


À la volée, la portée du joueur s'en trouve augmentée.


Note utopique : On pourrait même imaginer un joueur servant alternativement d'une main ou de l'autre, selon ses objectifs tactiques. Très pratique pour éviter le soleil dans l'oeil.


Désavantages

Aucun tennisman, joueur ou entraîneur, ne m'a encore décrit de désavantage flagrant de cette technique.


On peut prétendre que le coup droit de la main faible est peut-être moins puissant que le revers à deux mains. Cela reste à prouver. Mais apparemment le coup droit de Nadal est assez puissant.


Ce qui est certain, c'est que même les joueurs réputés pour avoir les meilleurs revers du monde, que ce soit à une main (Federer, Thiem, Wawrinka, Gasquet, etc.) ou à deux mains (Djokovich, Zverev, etc) contournent souvent la balle pour frapper du coup droit, pensant donc que leur coup droit est meilleurque leur revers.


Certains pensent que le changement de main est trop lent ou qu'il y a moins de portée de la main faible. Cet argument n'est pas valable. C'est parce qu'ils pensent que dans cette technique de changement de main, le joueur tient sa raquette de la même manière qu'auparavant, à déterminer avec les mains décalées sur le manche. Je pense au contraire qu'il est plus rapide et a plus de portée côté "revers" (voir explication ci-dessus de la nouvelle prise de raquette).


Dans tous les cas où il y aurait un désavantage, on peut invoquer le point #6 ci-dessous, car il y a manifestement beaucoup de situations où c'est un avantage.


Pour vraiment savoir quels sont les avantages et désavantages de cette technique, il faut l'essayer pendant assez longtemps, et de préférence avec plusieurs athlètes. À l'usage, on se rend compte des problèmes que cela créée et que cela supprime.


6. Coup supplémentaire


En effet, l'emploi de changement de main au lieu de coup droit et de revers, n'implique pas qu'on doive oublier le revers.


Le joueur continue bien évidemment à utiliser son revers pour toutes les balles au corps. Quand la balle arrive de son côté faible, il peut aussi choisir entre un revers ou un coup droit de la main faible, ce qui lui donne plus de possibilités tactiques.


Le changement de main peut tout simplement être un coup de plus dans le répertoire du joueur.


Dans les clubs de tennis, les jeunes passent beaucoup de temps à pratiquer le contournement de la balle. Il ne serait plus nécessaire d'y consacrer autant de temps. Ce temps servir à pratiquer d'autres coups. La plupart des joueurs, et notamment les professionnels peuvent donc facilement ajouter un coup à leur répertoire.


7. Revers plus facile?


La plupart des joueurs et des entraîneurs considèrent que le coup droit de la "mauvaise main" est plus difficile à exécuter que le revers, que ce soit à une ou deux mains.


Cependant, j'ai fait l'expérience avec de nonbreux débutants n'ayant jamais joué au tennis, en leur donnant le choix de frapper les coups du revers à une main, ou bien du revers à deux mains, ou encore avec la "mauvaise main". Ils ont pratiquement tous choisi la "mauvaise main" parce que, selon, eux, c'était plus facile à exécuter.


Seuls ceux qui ont déjà une expérience de la pratique du revers pensent qu'il est plus facile à exécuter, car, naturellement quand ils essayent de la "mauvaise main" pour la première fois, ils trouvent cela plus difficile que le revers qu'ils ont déjà pratiqué de nombreuses fois.


Conclusion


Selon moi, le jeu avec coups droits des deux mains est beaucoup plus facile à apprendre que cela paraît. Si on commence jeune, le coup droit de la main faible devient un coup très efficace, et même de classe mondiale comme d'ailleurs l'attestent les cas de Nadal ou Moya.


Aucun spécialiste du tennis ne m'a encore convaincu que cette technique avait plus de désavantages que d'avantages.


En fait, la plupart des entraîneurs de tennis sont allergiques au changement. Par exemple, récemment, un jeune Américain (âgé d'environ 14 ans) gagnait des compétitions internationales dans sa catégorie d'âge, en utilisant les deux mains. Cependant, malgré la preuve du succès de cette technique, ses entraîneurs ont dit qu'ils allaient "bientôt le changer pour un revers à deux mains"!


Personne n'en a plus entendu parler! Cet exemple montre que nous sommes loin d'adopter de nouvelles techniques dans le tennis!


Il faudra donc attendre (comme dans le cas de Fosbury en saut en hauteur) qu'un champion excepionnel réussisse en utilisant cette technique, pour que de nombreux jeunes l'imitent et que leurs entraîneurs se laissent convaincre d'intégrer cette manière de jouer et au lieu de convertir ces jeunes au revers à deux mains, d'explorer les possibilités du jeu ambidextre.


Je continue à penser que cette technique représente l'avenir du tennis.



ÉCRIT PAR

Manuel Guittet


 
 
 

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